1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Mali : situation humanitaire critique à Gao

Paul Lorgerie
2 décembre 2020

La ville continue d’accueillir des déplacés internes de la région. Ils fuient les attaques des groupes djihadistes. Reportage auprès de ces déplacés.

https://p.dw.com/p/3m7IW
Les déplacés dans la région de Gao n’ont ni eau ni électricité (photo d’illustration)
Les déplacés dans la région de Gao n’ont ni eau ni électricité (photo d’illustration) Image : Reuters

Le Mali compte aujourd’hui près de 311.000 déplacés internes, un chiffre proche du pic de 2013 au plus fort de la crise. La situation dans les alentours ne fait que se dégrader en raison des combats entre les groupes djihadistes qui se disputent le territoire.

Lire aussi → A Ménaka, le difficile accueil des déplacés fuyant l'insécurité

En effet, selon la direction nationale du développement social malien, 84.500 personnes avaient fui leur maison dans la région de Gao en octobre, contre 66.000 en juillet. Sur place, de nouvelles familles sont donc arrivées en nombre dans la périphérie de la ville. Si un début d’assistance leur a été délivré, elles sont pour autant livrées à elles-mêmes, dépossédées de tous leurs biens et surtout de leur foyer.

Forcés de quitter leur domicile

Un seau d’eau trouble presque vide à la main, Seydou nous mène vers sa masure. Lui et sa famille se sont installés en périphérie de Gao il y a peu.

"Je suis là depuis le mois de mai. Nous avons été forcés de quitter Tessit. Nous avons reçu des menaces de représailles de la part de groupes armés qui nous ont sommé de déguerpir des lieux dans un bref délai", raconte le jeune homme.

"Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’on n’a pas de lieu où rester." (Un déplacé)

Autour de sa case, les mêmes habitations de fortune, éparpillées anarchiquement sur des terrains dépourvus d’eau, d’électricité, de tout.

"Ce qui me fait le plus mal c’est qu’on n’a pas de lieu où rester. Et la ville de Gao est éloignée, près de dix kilomètres. Donc je ne peux pas étudier à Gao puis revenir sur le site. Si j’avais un endroit où rester, ça me permettrait de poursuivre mes études", regrette Seydou.

Nous sommes à quelques kilomètres du centre-ville de Gao, au nord du Mali. Ici vivent 218 ménages, soit plus de 1.000 personnes, venus de Tessit, une localité située dans la zone des trois frontières.

Le jour de notre visite, beaucoup d’hommes et femmes sont partis au marché le plus proche, afin de trouver un travail éphémère pour subvenir aux besoins de la communauté.

Beaucoup d’entre eux sont des retournés, c’est-à-dire des personnes autrefois réfugiées au Burkina Faso. Mais en raison de l’insécurité, ils ont préféré revenir chez eux en mars, avant d’être à nouveau chassés par les groupes djihadistes qui évoluent dans la zone.

Lire aussi → Mali : solidarité des habitants de Ségou pour les déplacés internes

Certains déplacés internes avaient déjà fui les camps de réfugiés du Burkina Faso
Certains déplacés internes avaient déjà fui les camps de réfugiés du Burkina Faso Image : Guy Lankester

Persécutés par tous

Tapis dans l’ombre d’une cahute, Alassane, le chef du site, relate sa vision de ces déplacements successifs : "Du fait de notre ethnie, nous sommes persécutés car les gens pensent que l’on est toujours affilié à ces groupes qui évoluent dans ces localités. Sinon, je n’en connais aucun, je ne les côtoie pas. Mais nous sommes persécutés par tout le monde et nous n’avons jamais été tranquilles au Mali."

Depuis quelques mois, les deux principaux groupes djihadistes du pays, l’Etat islamique au grand Sahara et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, se livrent une guerre sans merci au détriment des populations environnantes. Des combats qui ne font qu’empirer la situation humanitaire déjà critique dans la région.

Ce qui, selon Claude Mululu, chef du sous-bureau de la coordination humanitaire des Nations unies à Gao, n’augure rien de bon.

"Vous n’êtes pas sans ignorer que le nord du Mali est confronté à des problèmes de sécurité qui, au-delà des déplacements de populations, perturbent un certain nombre de services, perturbent les moyens de subsistance des populations qui viennent aggraver ces indicateurs qui n’étaient pas bons au départ", explique Claude Mululu.

Des consultations et une assistance d’urgence ont été délivrées aux déplacés de Tessit au lendemain de la visite. Un premier pas dans l’aide, certes, qui ne résout pour autant pas leur principal problème : celui de trouver un endroit où ils pourront s’installer.